Le Noël provençal
Extrait tiré du livre :
Notre Provence
par F. Garrigue et A. Vérola
Précision : Le livre de ces deux auteurs a été écrit à la fin des années 40.
NOËL EN PROVENCE
Noël est une fête qui s'est perpétuée à travers les âges et qui se célèbre de nos jours encore dans le monde entier. La nuit de Noël est attendue de tous, surtout des enfants
qui rêvent de cadeaux et de récompenses que « Bonhomme Noël » leur apportera.
En Provence, ces fêtes ont un caractère particulier. En attendant minuit, on fait un « gros souper ». Le menu comporte rituellement la carde en sauce blanche. Dans la grande cheminée flambe la bûche de Noël. Il y a à peine une quarantaine d'années, toute famille provençale, aussi modeste fût-elle, se serait crue déshonorée si elle n'avait pas fait ce traditionnel repas qui se terminait, selon la coutume, par treize desserts différents.
Pour terminer agréablement cette veillée, on entonne les « Noëls » avant d'aller à la messe de minuit. Ce sont des chants très beaux, simples et d'une gaîté naïve. Il existe de nombreux compositeurs de Noëls. Le plus célèbre est l'abbé Saboly, un Avignonnais qui vivait au XVIIème siècle.
Lorsque minuit approche, tous les assistants se dirigent vers l'église voisine. Montons cette nuit jusqu'au village abandonné des Baux, dirigeons-nous vers sa petite vieille église, aussi pauvre que le pays lui-même et nous assisterons à l'offrande coutumière de l'agneau. Nous verrons le gracieux cortège des bergers et des bergères parés de leurs plus beaux atours, précédant la charrette de
l'agneau traînée par un bélier enrubanné de rouge. La scène est chantée et accompagnée du son des fifres et des tambourins.
A cette époque, dans chaque église et dans de nombreuses familles, on expose la « crèche ». Sur une table ou sur des tréteaux, avec de la mousse, du houx, des branches de pin et du carton on représente un paysage en miniature avec son moulin à vent perché sur la colline.
Au premier plan, se trouve l'étable de Bethléem. Par la porte entr'ouverte on voit l'Enfant Jésus sur la paille. Joseph et Marie lui sourient tandis que l'âne et le boeuf le réchauffent de leur souffle.
On peuple le riant paysage de petits personnages, les « santons » en plaçant les plus gros en avant, les plus petits au fond.
Nous les connaissons tous, ces petits bonshommes d'argile séchée et peinte. Ils sont la reproduction des personnes que nous rencontrons tous les jours. Voici l'amoulaïre (le rémouleur) avec sa meule, le boumian (le bohémien), le ravi, qui accourt avec sa lanterne et lève les bras au ciel, étonné ; la vieille Nourado, portant un panier de fougasses et de pompes, le meunier accompagné de son âne, l'aveugle, le tambourinaire et les bergers qui apportent de toutes parts leur offrande au nouveau-né.
Le jour de l'Epiphanie, les Rois Mages et leur suite viennent s'incliner devant l'Enfant Jésus.
On fait remonter la « Crèche » au XIIème siècle et à saint François d'Assise qui l'introduisit en Italie, mais elle était peut-être plus ancienne en Provence.
La multiplication des crèches a créé l'industrie des « santons » que pratiquent seulement quelques familles d'Aix, d'Aubagne et de Marseille. Le « santonnier » ne peut vivre de son art : dans la journée, il exerce un autre métier. Le soir, à la veillée, aidé de tous les siens, il confectionne des sujets. L'argile est moulée. Une fois secs, les « santons » sont coloriés. De nos jours, Aubagne
fournit plus d'un million de santons, et ces petits personnages ont gagné peu à peu les contrées les plus lointaines.
Marseille a sa foire annuelle de santons. Pendant tout le mois de décembre, chaque « santonnier » expose et vend sur la Canebière le produit de son patient labeur. La foule nombreuse admire ces merveilles de naïveté. Noël a enrichi notre littérature des « Pastorales ». Ce sont des pièces de théâtre qui nous décrivent le voyage des bergers à Bethléem, voyage qui ne se déroule pas sans
de nombreux incidents très amusant. Les dialogues sont agrémentés de choeurs d'auges et de bergers et le public y prend chaque année un plaisir renouvelé.